Actes du deuxième colloque international de l'association Verre et Histoire, Nancy, 26-28 mars 2009

Privilèges, migrations, secrets des verriers altarais et vénitiens, XVIe-XVIIe siècles

Corine Maitte
Professeur d'histoire moderne
Université de Paris-Est, Marne-la-Vallée, laboratoire ACP.

Les innovations s'enchaînent à un rythme particulièrement soutenu du XVe siècle à la fin du XVIIe siècle dans le verre vénitien. Mais la reconstruction des innovations doit être faite a posteriori, beaucoup plus à partir des objets que des textes qui en disent peu, même si le secteur du verre a bénéficié de l'intérêt de grandes descriptions techniques du XVIe siècle. C'est bien tout le problème du repérage des innovations à une époque où elles ne sont pas formalisées en tant que telles.

L'anonymat d'une bonne partie des innovations verrières est d'autant plus remarquable que la république de Venise a instauré au XVe siècle un instrument efficace pour favoriser l'invention et reconnaître l'inventeur : les privilèges d'invention. Une très abondante littérature a célébré dans la loi vénitienne de 1474 l'ancêtre des brevets d'invention du XIXe siècle. Mais force est de reconnaître que bien peu de verriers de Murano l'ont utilisée. Nous essayons de comprendre pourquoi.

Si Venise fait tout pour garder le monopole de ces innovations, sa tentative est vaine. Au grand dépit des administrateurs de la République, les centres d'imitation se multiplient en Italie et en Europe grâce à la mobilité des verriers, dépositaires des secrets de fabrication : l'histoire de la diffusion des techniques de la verrerie italienne est essentiellement celle de la migration des hommes, bien que les processus de diffusion soient extrêmement complexes à reconstituer d'autant qu'une part importante des verriers migrants vient, non pas de Venise, mais d'Altare, petit bourg de l'ancien Montferrat. D'où qu'ils soient, ces verriers cherchent à entrer sur les marchés, à protéger leurs activités et à valoriser leurs éventuelles innovations. Comment le font-ils ? Quels types de privilèges demandent-ils ? Voici quelques questions auxquelles répond cette communication.

Privileges, migrations and secrets of glassworkers from Altare and Venice,
16th - 17th centuries.

Innovations in Venetian glass are numerous and all come at a sustained rhythm between the 15th and the end of the 17th century. However these innovations must be retraced from the objects rather than the texts which say little, even though glassmaking benefited from the interest of the great technical descriptions of the 16th century. It is certainly all the problem of noticing innovations at a time when they are not perceived as such.

The anonymity of a good part of these glassmaking innovations is all the more remarkable as the republic of Venice set up during the 15th century an effective instrument to encourage innovation and establish inventor's rights : the privileges of invention. A large literature celebrated the Venetian law of 1474 as the ancestor of the patents of the 19th century. One must admit that few muranese glassworkers used it though. We try to understand why.

If Venice makes everything to keep the monopoly of these innovations, its attempt is vain.

To the big resentment of the administrators of the Republic, the centres of imitation multiply in Italy and in Europe thanks to the mobility of the glassworkers, agents of trade secrets. The history of the distribution of the Italian glass-making techniques is essentially the story of the glassworkers migration, although the processes are extremely complex to reconstitute as an important part of the migrant glassworkers come, not from Venice, but from Altare, a small village of former Montferrat. Wherever they are from, these glassworkers try to enter on markets, to protect their activities and to value their possible innovations. How do they make it happen? What kind of privileges do they ask? are the questions which this paper tries to answer.


∧  Haut de page« Chaque jour des choses nouvelles… »

En 1505, une nouvelle branche de travail verrier est reconnue à Venise : celle des perles de verre, « parce que, disent les rédacteurs, notre métier des verriers de Murano fait chaque jour des choses nouvelles grâce au génie et à la subtilité des maîtres, comme l'on voit chaque jour par expérience… »1. Voici une belle valorisation de l'innovation, en phase avec le climat intellectuel de la Renaissance2. Après avoir rapidement rappelé certaines caractéristiques de ces innovations, j'insisterai surtout sur ce que l'on peut savoir des processus de valorisation, de socialisation et de transfert de celles-ci.

∧  Haut de pageUne saison d'innovations particulièrement longue et profuse

De nombreux travaux ont déjà fait le point sur l'extraordinaire profusion des innovations mises au point par les verriers de Murano entre XVe et XVIIe siècles3. Il ne s'agit ici que de les rappeler à très grands traits. L'accumulation est en effet significative. Au XVe siècle, c'est la mise au point, fondamentale, du cristallo qui permet d'imiter la pierre dont ce type de verre prend du même coup le nom. On sait qu'il est obtenu grâce notamment à la purification des soudes utilisées dans la composition. Mais c'est aussi la mise au point du verre imitant la calcédoine, le renouveau des émaux, le verre lattimo imitant les porcelaines qui arrivent alors en Occident, les murrini à la fin du siècle (1487). Les innovations redoublent au XVIe siècle, depuis les verres dorés jusqu'à l'avventurina4 du début du XVIIe siècle, dont « l'esprit d'aventure et de raison » pourrait à lui seul caractériser une bonne partie de la production de la Renaissance vénitienne, ou encore le verre girasole5 de la fin du siècle. Le désir d'imitation des pierres précieuses est souvent au centre des recherches verrières, comme on le voit bien dans les livres de recettes qui en détaillent les compositions6. Ce sont d'ailleurs les noms des pierres qui servent à désigner les verres qui les imitent. La connaissance de la réaction des oxydes métalliques est fondamentale pour la réussite de ces compositions et explique les liens qui ont pu se nouer entre art du verre et alchimie selon des processus encore trop peu connus7.

Un autre groupe d'innovations concerne la décoration du verre. Il y a d'abord celles qui utilisent le contraste entre verre transparent et verre opaque : ce sont tous les verres à filigrane8, à résille9, a retortoli10, développés au XVIe siècle. D'autres supposent la mise en œuvre de nouvelles techniques comme le verre craquelé11 ou a piume12, ou encore le verre gravé ou le verre peint à froid, toutes innovations du XVIe siècle.

Enfin, le XVIe siècle voit le développement de deux grandes innovations de produits : les perles et les miroirs de verre. Ces derniers, déjà connus dans l'espace germanique, se développent alors à Venise (1507 : Angelo et Domenico d'Angelo del Gallo). Après des débuts hésitants dans la première moitié du siècle, l'innovation technique consiste, dans les années 1540, à les polir, selon un procédé emprunté à l'art des métaux.

Quelques remarques à propos de ces innovations. Tout d'abord, elles utilisent les vertus imitatives du verre : le verre, artifice humain capable d'imiter la nature, voilà un concept qui plaît à la Renaissance. Et ce d'autant plus que ces imitations mettent en valeur le « génie » humain. De fait, la composition particulièrement malléable du cristallo et son refroidissement plus lent sont mis au profit d'innovations formelles : les verres à ailettes, à serpents ou à fantaisies ne sont que les exemples les plus connus d'une production capable de répondre à toutes les commandes, même celles d'armures de prestige, de selles de chevaux, de miniatures de vaisseaux ou d'instruments de musique entièrement réalisés en verre13. Ainsi au XVIe siècle, toute une partie de la production vénitienne mise sur la surprise et l'invention formelles que permet cette matière particulièrement malléable. De l'imitation d'objets réalisés en matières plus précieuses, les verriers passent aux prouesses formelles permises par la matière : c'est cette fois véritablement la création qui prime, le jeu d'adresse de l'homme avec la nature qui est reconnu et loué. Vanuccio Biringuccio note à ce propos que :

L'art a dépassé la nature, bien que le cristal et toutes les autres espèces aient produit des joyaux plus beaux que celui-ci – le verre –, on n'a pas encore trouvé le moyen de pouvoir faire d'eux ce que l'on fait du verre14.

C'est sans doute ce qui explique l'engouement des élites qui ont les moyens de boire dans des objets d'or ou d'argent mais préfèrent ces artifices humains fragiles comme nouveaux signes de distinction. En 1587, William Harrison note l'évolution des usages en Angleterre :

C'est un monde de voir de nos jours, où l'or et l'argent abondent, que notre noblesse a quitté ces métaux (à cause de leur abondance) et choisit maintenant les verres de Venise, pour le vin comme pour la bière, plutôt que ces métaux ou pierres dans lesquels nous avons été habitués à boire jusque maintenant15.

Ces innovations réussissent à faire passer les objets de verre dans le domaine du luxe ostentatoire, comme en témoigne Harrison. Mais parallèlement, elles répondent à des attentes sociales diverses dans un marché en expansion et permettent aussi de satisfaire, par l'intermédiaire des imitations en verre moins purifié, le désir des couches socialement moins aisées de la bourgeoisie urbaine16.

La seconde série de remarques tient à l'importance des transferts entre branches : comme l'ont souligné de nombreuses études des historiens des techniques, c'est l'importation dans une branche d'un procédé déjà existant dans une autre qui est à l'origine de nombreuses innovations. On pense ici au polissage des miroirs, à la gravure ou à la peinture à froid sur verre, mais aussi aux liens avec les innovations du domaine voisin de la maiolica. La concentration à Venise de nombreux secteurs productifs favorise bien entendu ces circulations qui ne sont néanmoins pas qu'internes à la Sérénissime.

Au contraire, on décèle nettement dans l'émergence d'un certain nombre d'innovations l'importance des liens avec les autres centres verriers, notamment avec l'espace germanique (pour les perles et les miroirs) ; avec l'espace oriental, même si ces liens sont en l'occurrence davantage supposés qu'attestés ; sans doute aussi avec le reste de l'espace italien car contrairement à l'image longtemps produite par l'historiographie, Venise n'est pas le seul centre verrier dynamique de la Péninsule, loin de là. Les centres toscans ont eu à la fin du Moyen Âge une importance cruciale dans toute l'Italie et il existe donc des circulations entre cultures techniques différentes fondées sur les mouvements des hommes.

Enfin, ces innovations sont largement anonymes. Même si longtemps les érudits, puis les historiens d'art et des techniques, ont eu à cœur de mettre des noms là où il n'y en avait pas, cet anonymat n'est pas la perte de mémoire de siècles ingrats, mais il reflète au contraire la germination collective des innovations, caractéristique du processus lui-même, et le faible usage fait par les verriers de Venise de l'instrument des privilèges d'invention. Venise, on le sait, a reconnu dès 1474 la possibilité de conférer des privilèges exclusifs aux inventeurs. Mais, alors que les innovations verrières sont multiples, seules six familles (Barovier, D'Angelo, Catani detti Serena, dal Gallo, de Simon, Bigaglia) utilisent cette institution pour protéger et valoriser leur invention dans quatre domaines (les verres non soufflés, les miroirs, les décorations variées du verre, les plaques de verre)17, ce qui est bien peu au regard de l'inventivité dont ont fait preuve les artisans de Murano. De plus, l'analyse précise de ces demandes montre que les requérants occupent souvent des positions marginales dans la corporation : Filippo dei Catanei, par exemple, est peintre sur verre, mais il demande en 1517 au nom d'un certain nombre d'innovations, l'autorisation d'ouvrir un four, ce qui lui est théoriquement interdit18. D'autres déposent des requêtes d'exclusivité pour des inventions faites par d'autres (Bernardo et Philippo Serena en 152719), ou encore des innovations déjà diffusées (Vincenzo d'Angelo del Gallo en 1548 à propos de la gravure sur verre20, ou Giovanni Simone della Fenice en 1578 qui réclame l'exclusivité pour des vitres « à la mode de Flandres » que de nombreux autres produisent déjà mieux que lui, si l'on en croit le podestà de Murano21). Tout ceci permet d'envisager la large gamme des raisons qui incitent les uns et les autres à prendre des privilèges, mais témoigne surtout de l'impossibilité d'en faire un « thermomètre » de l'innovation.

∧  Haut de pageLes innovations au cœur des pratiques collectives de socialisation

Pourquoi les verriers vénitiens n'utilisent-ils finalement que fort peu l'instrument juridique du privilège ? La pratique de la revendication individuelle de l'invention ne semble pas très développée dans ce milieu, contrairement à celui des « ingénieurs », ou des « faiseurs de projets » divers pour qui c'est au contraire un argument essentiel de leur stratégie économique22. Ce d'autant plus que, comme l'a déjà fait remarquer Christine MacLeod, la plupart des privilèges d'invention concerne des innovations mécaniques et très peu le domaine chimique où le secret est plus facile à maintenir. Une certaine culture du secret peut d'ailleurs expliquer une partie de la défiance vis-à-vis des privilèges qui impliquent, à Venise, leur communication à tous une fois le terme échu. Mais notons encore une fois les multiples ambiguïtés du terme de « secret » auxquelles se heurtent constamment les historiens : entre les « secrets » de tout un groupe, ceux d'une famille ou d'une société, ceux d'un maître, entre les secrets de polichinelle et ceux vaillamment défendus, les partages sont périlleux, alors même que des processus de socialisation des innovations sont aussi à l'œuvre, mais par d'autres moyens que cette nouveauté institutionnelle de l'État vénitien que sont les privilèges.

Ces processus de socialisation des innovations semblent en fait largement s'inscrire dans le cadre corporatif, comme l'a bien montré Stephan R. Epstein23. Contrairement à une image figée des corporations qui a eu la vie dure, ces institutions sont le plus souvent favorables à la circulation négociée des innovations. Un bon exemple en est fourni par un contrat d'apprentissage datant de 1460 : un maître, pas n'importe lequel puisqu'il s'agit du frère du fameux Angelo Barovier (décédé quelques mois auparavant), s'engage à apprendre tous ses secrets, notamment celui de verre calcédoine et du lattimo à son apprenti (qui n'est sans doute pas un garçon inexpérimenté). Celui-ci est tenu de ne les révéler à personne avant dix ans pour des raisons clairement énoncées dans le contrat :

et parce qu'auprès de moi, il aura à apprendre beaucoup de vertus et mystères dans le travail des vrais (ou verres) cristallins, je ne veux que de telles vertus procédant de moi à lui, d'autres en aient laudes et bénéfices et utilité. Et en cas que le dit Bortholamio parte avant les dix ans du contrat, il ne puisse avec aucun autre travailler les vrais cristallins blancs ou colorés, d'aucune manière ni raison, ni les calcédoines ni les mosaïques, dans le temps de dix ans sous peine de 100 ducats […]24

Ce texte est un modèle du genre : il implique en effet à la fois la reconnaissance de la propriété des procédés pendant un certain temps qui permet de récupérer mises, frais et risques ET la socialisation à terme des innovations. Le terme prévu peut évidemment être plus ou moins rapide, selon qu'il s'agit de procédés chimiques difficiles à percer ou de procédés mécaniques assez facilement observables (gravure par exemple). De ce point de vue, la concentration territoriale des verriers à Murano joue sans doute dans la circulation des informations et des innovations un rôle qui pourrait être comparé à celui de la concentration des PME au sein des districts industriels d'aujourd'hui25 : coopération, émulation et concurrence créent une situation particulièrement dynamique et favorable aux innovations26.

Si cette socialisation se fait à Murano même, où les verriers forains ou étrangers sont nombreux au moins jusqu'au milieu du XVIe siècle, elle se fait aussi sans doute en dehors, dans les villes d'Italie du Nord où se rencontrent des verriers venus de Murano, de Toscane ou de Ligurie.

Carte. Migrations, verriers vénitiens, 15e s.

Fig. 1. Principales migrations des verriers vénitiens au XVe siècle. Source : C. Maitte (données), Articque (cartographie).

Carte. Migrations, verriers altarais, 15e s.

Fig. 2. Les migrations des verriers d'Altare au XVe siècle. Source : C. Maitte (données), Articque (cartographie).

Carte. Migrations, verriers toscans, 15e s.

Fig. 3. Les principales migrations des verriers toscans en Italie au XVe siècle. Source : Mendera, 1991 (données), Articque (cartographie).

Carte. Migrations, verriers altarais, 1500-1550

Fig. 4. Les principaux flux de migrations des verriers d'Altare dans la première moitié du XVIe siècle. Source : C. Maitte (données), Articque (cartographie).

Carte. Migrations, verriers altarais, 1550-1600

Fig. 5. Les principaux flux de migrations des verriers d'Altare dans la seconde moitié du XVIe siècle. Source : C. Maitte (données), Articque (cartographie).
 

Carte. Migrations, verriers altarais, 17e s.

Fig. 6. Les principaux flux de migrations des verriers d'Altare au XVIIe siècle. Source : C. Maitte (données), Articque (cartographie).

Trois petits traités toscans du XVe siècle, publiés par Milanesi et discutés par Luigi Zecchin sont la preuve de ces échanges, même si leur datation reste incertaine (Milanesi les date de la fin du XIVe siècle, début XVe siècle, Zecchin de 1450 et 147027). Ils montrent que dès cette époque des recueils de recettes non spécifiquement verrières indiquent les procédés récemment trouvés à Venise pour imiter le cristal. De fait, les verriers d'Altare, dans l'ancien Montferrat et l'actuelle Ligurie, vendent dès la fin du XVe siècle des verres « à la vénitienne », ce qu'ils vont aller faire largement un peu partout en Europe aux XVIe et XVIIe siècles, aux côtés, mais surtout en concurrence avec les Vénitiens28. Les déplacements de ces spécialistes montrent que l'on retrouve chez eux, comme chez les mineurs allemands dont parle Philippe Braunstein29, une alliance de connaissances techniques et de phénomène « publicitaire » qui leur permet d'envisager l'espace comme ressource.

Que se passe-t-il donc à « l'étranger » en matière de valorisation, de transferts ou de partage d'innovation ? Comment se concilient culture du secret et culture de la mobilité ?

∧  Haut de pagePrivilèges, innovations, migrations

Dès qu'ils franchissent les limites de leurs lieux d'origine, les Vénitiens, comme les Altarais, comme les autres verriers d'ailleurs, demandent des privilèges pour exercer en exclusivité leurs activités. L'un des premiers connus dans la Péninsule est celui qu'obtient un verrier toscan à Ferrare en 128530 (et ce sont encore des Toscans qui en sont bénéficiaires dans le même lieu en 1372 et 1441 avant que des Altarais ne les remplacent dans la seconde moitié du XVe siècle). Au total, une soixantaine de privilèges demandés par des verriers entre XVIe et XVIIIe siècles ont été repérés dans les différents États italiens, en France, dans les Pays-Bas, le pays de Liège. Qu'en dire très succinctement ?

Tout d'abord, ils indiquent bien entendu le rôle du politique dans la sphère économique. Mais contrairement à une historiographie tenace, les pouvoirs politiques ne sont pas souvent à l'origine du mouvement des hommes : ils sont plus souvent sollicités que solliciteurs. Deuxièmement, très peu de privilèges sont obtenus grâce à la revendication d'une invention. C'est même là une attitude fort exceptionnelle qui est essentiellement celle de Bernard Perrotto en France à partir de 1666 : j'ai déjà eu l'occasion de m'interroger sur les ambiguïtés de cette revendication individuelle d'innovations sans doute issues de recherches collectives, comme tendent à la confirmer les récentes découvertes d'Alain Bouthier présentées ici31.

Ce que la plupart des verriers demandent, ce sont des privilèges d'exclusivité de production, souvent de vente. Leur justification est la nécessité de couvrir les frais de leur installation et d'accorder une juste rétribution des risques encourus par l'entrepreneur. Ces privilèges leur permettent donc de s'insérer sur les marchés dans les meilleures conditions et indiquent la nature essentiellement juridique de la concurrence économique puisque les tribunaux sont finalement chargés de punir les contrevenants.

À l'intérieur de ce vaste corpus, il existe cependant une spécificité des privilèges français. Les verriers italiens, spécialement Altarais, s'y font reconnaître comme bénéficiaires des privilèges accordés aux gentilshommes verriers du royaume peut-être depuis le XVe siècle, en tout cas à Blois par François Ier en 1523. Dès 1533, ce privilège est enregistré à Marseille au profit d'Antoine Pastor, Jean Antoine de Lionne, François Bartholus et Paulet del Rove, dont les deux derniers au moins viennent d'Altare. Ces enregistrements se multiplient dans la seconde moitié du XVIe siècle, en liaison étroite avec les mouvements migratoires des verriers du centre ligure.

Quels avantages fournissent-ils à leurs détenteurs ? Des exemptions sur les taxes pesant sur les matières premières, l'alimentation, les hommes et les produits finis de la verrerie. Ils constituent donc des atouts formidables dans l'économie des coûts des verreries qui justifieraient à eux seuls l'attachement, voire l'acharnement des verriers altarais à les revendiquer. Mais ils ont encore et surtout l'avantage de faire des verriers italiens des gentilshommes, ce qu'ils n'étaient pas dans leur pays d'origine32.

∧  Haut de pagePrivilèges et secrets

Qu'ils soient de l'une ou de l'autre sorte, ces privilèges sont-ils des vecteurs de transmission des secrets ? Contrairement à ce qui a souvent été dit, la formation d'apprentis autochtones n'est pas une préoccupation précoce des différents gouvernements européens : les clauses concernant l'obligation d'enseignement sont souvent assez tardives, rares avant le XVIIIe siècle. Les verriers italiens peuvent ainsi conserver leurs « secrets » tout en ayant des privilèges dans la mesure où les équipes restent longtemps entièrement italiennes, en tout cas lorsqu'il s'agit des Altarais.

Le seul État où des problèmes vont rapidement se poser est la France d'Henri IV dont le gouvernement pousse à la naturalisation des techniques dans le cadre de la restauration du royaume. Le conseil du roi oblige donc en 1603 tous les étrangers ayant obtenu des privilèges exclusifs à prendre des apprentis français. Le seul refus essuyé par la commission chargée de mettre en œuvre cette mesure est celui de l'Altarais Jacopo Saroldi33.

De fait, le refus d'apprendre ses secrets à n'importe est assez systématique, de la part des Altarais comme des Vénitiens. Néanmoins, certains n'hésitent pas à mettre en avant leur disponibilité à enfreindre cette règle pour tenter d'obtenir des privilèges. C'est surtout le cas de Vénitiens : ainsi Domenico Barovier à Majorque en 1605, Gasparo Brunoro au Piémont en 1633, Obizzi et Giordano en 1723 toujours au Piémont34. Ces individus isolés n'ont que de faibles espoirs, pour des raisons que nous ignorons souvent, de revenir dans leur patrie. Ils ont souvent moins de scrupules et d'intérêt à conserver leurs secrets que les équipes structurées qui tirent profit de leur compétence. Les conditions de la migration sont donc un facteur essentiel de transmission ou au contraire de rétention des savoir-faire.

Malgré ces différences, on peut néanmoins estimer que globalement les privilèges n'ont pas été un moyen très important de diffusion des connaissances techniques des verriers italiens. Alors a-t-elle eu lieu et comment ? Force est de constater que les transferts techniques suivent des voies complexes et souvent beaucoup plus lentes que les mouvements des hommes. Néanmoins, les contacts entraînés par les circulations de la main-d'œuvre, la constitution de pôles multi-techniques et l'association entre familles verrières de différentes traditions peuvent avoir été des moyens de transmission obéissant à des temporalités très différentes selon les cas.

D'abord les familles : entre beaux-pères et gendres, entre beaux-frères, travaillant ensemble dans la même verrerie, les savoir-faire partagés enrichissent le patrimoine familial. Certes, sur l'ensemble des mariages exogamiques connus (67 cas), ceux qui lient des verriers italiens à des Françaises sont une très faible minorité, moins de dix cas connus. Cela peut sembler en contradiction avec les modes de fonctionnement de groupes largement endogames. Un tel comportement s'éclaire cependant quand, par exemple, son mariage permet à Felix Greno de récupérer la verrerie de Charles Fontaine35. C'est alors plutôt l'acceptation du beau-père qu'il faut comprendre : or, on peut penser que les Colnet de Charles Fontaine acceptent que l'une de leurs filles se marie avec un Italien sans fortune, justement parce qu'il est en possession d'un capital technique susceptible de renouveler le dynamisme de la verrerie familiale, ce qui effectivement se passe36. On dira cet exemple tardif. Mais les filles peuvent aussi servir de pont. Ainsi Angélique de Martin Buisson (Buzzone), actif à Lyon en 1576, se marie avec Jean Merlin, verrier à Nantes : celui-ci demande, avec Henri Girard, Jean et Augustin Ferro l'enregistrement des privilèges des verriers lors du passage d'Henri IV dans la ville en 1598. Beaucoup plus que les privilèges ou l'exceptionnelle naturalisation, ce sont les alliances et la permanence sur place qui ont pu susciter les échanges techniques, dans le cas du verre comme dans de nombreux autres domaines, tel celui des pratiques comptables.

Ensuite, des centres multi-techniques se mettent en place, en Angleterre (Londres), en France (Nevers) ou dans les Pays-Bas (Anvers, mais surtout Liège) au XVIe et XVIIe siècles, avant Intra ou la Chiusa au Piémont au XVIIIe siècle. S'y installent différents types de fours parfois réunis au sein d'une même entreprise. Dans quelle mesure cela signifie-t-il des cultures techniques et des innovations partagées ? Il faut bien reconnaître que l'on en sait peu. Mais les Bonhomme dont parle dans ce volume Janette Lefrancq traduisent le traité verrier de Néri bien avant sa publication officielle en français et ils rédigent eux-mêmes un manuel de construction des fours à l'italienne, à l'allemande etc. Dans leurs verreries, si Allemands et Italiens œuvrent séparément, Vénitiens et Altarais travaillent autour du même four dans un partage concerté des « façons » des uns et des autres. On peut d'ailleurs supposer que c'est dans une entreprise semblable que le Vénitien Gandolin a appris, bien plus tard, à entailler le verre « à la Bohémienne » comme il s'en vante en proposant ses services… L'exemple est-il trop tardif ? Il ne nous semble pas, tant les indices abondent d'échanges à la fois précoces et à sens multiples.

Deux cas emblématiques en fournissent la preuve. En 1572, le Vénitien Giovanni Mazariol est interrogé par le podestà de Murano pour répondre de l'accusation d'avoir ouvert des verreries à Milan, Florence et Gênes37 : d'une part, il affirme avoir appris l'art du verre en dehors de Murano, même s'il y est né ; d'autre part, il témoigne que, dans ces verreries situées hors de Venise, il fait travailler du verre « à la mode de Flandres », c'est-à-dire en utilisant les herbes potassiques interdites à Murano. Sont-elles elles-mêmes purifiées sur le modèle des cendres sodiques utilisées par les Vénitiens ? On peut le penser au vu des résultats proposés par Bruce Velde sur les différentes compositions des « façons de Venise »38. Second cas : dès la fin du XVIe siècle, et pendant une bonne partie du XVIIe siècle, les verriers lorrains rencontrés par les verriers altarais en Nivernais, sont associés, puis embauchés sur commission, par ces Italiens pour faire en Ligurie du verre à vitre sans doute exporté de là jusqu'en Sicile39. Même s'ils suivent des voies lentes et tortueuses, les contacts fonctionnent donc en sens multiples et favorisent les innovations : la mise au point du flint glass, innovation fondamentale de la seconde moitié du XVIIe siècle doit sans doute beaucoup, on le sait, aux pratiques italiennes, réadaptées dans un processus innovant40.

Corine Maitte

Site : http://acp.univ-mlv.fr/chercheurs/corine-maitte/

  • 1.  ↑  Gasparetto Astone, Il vetro di Murano dalle origini ad oggi, Venezia, Neri Pozza, 1958, p. 185-186.
  • 2.  ↑  Dolza Luisa, Vérin Hélène, « Figurer la mécanique : l'énigme des théâtres de machines de la Renaissance », Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, 51-1, 2004, p. 7-37.
  • 3.  ↑  Gasparetto, Il vetro di Murano…, op. cit. ; Mariacher Giovanni, I Vetri di Murano, t. 1 : Dall'antichità al Rinascimento ; t. II : Dal Rinascimento ai giorni nostri, Milano, 1967 ; Dorigato Attilia, Le verre de Murano, Paris, Citadelles & Mazenod, 2003. J'ai traité de ces points dans Maitte Corine, Les chemins de verre. Les migrations des verriers de Venise et d'Altare, XVIe-XIX siècle, Rennes, PUR, 2009, chapitre 2.
  • 4.  ↑  Pâte à reflets dorés dus à l'inclusion de minuscules cristaux de cuivre dans la matière vitreuse en refroidissement.
  • 5.  ↑  Au départ conçu pour les baguettes à perles, il fut ensuite soufflé et obtint un grand succès au début du XVIIIe siècle. Son aspect laiteux a des nuances allant du bleu au rose.
  • 6.  ↑  Moretti Cesare, Salerno Carlo Stefano, Tommasi Ferroni Sabina, Ricette Vetrarie Muranesi. Gasparo Brunoro e il manoscritto di Danzica, Firenze, Nardini editore, 2004.
  • 7.  ↑  Sur quoi insiste notamment Biringuccio Vanuccio, De la pirotecnica, 1540, reprint 1997, voir aussi Heikamp Dietrich, Studien zur Medicieschen Glaskunst, Florence, 1986, p. 354.
  • 8.  ↑  Série de baguettes de verre contenant des fils de lattimo ou de verre teint disposées autour de l'objet à décorer.
  • 9.  ↑  Lignes croisées enserrant chacune une bulle d'air.
  • 10.  ↑  Série de baguettes ornées de filets de couleurs différentes et d'organisation variées.
  • 11.  ↑  Obtenu en plongeant brusquement le verre dans un bassin d'eau froide ou en parsemant le marbre de petits fragments de verre.
  • 12.  ↑  Verre déjà connu des Égyptiens et des Romains et repris à Venise au XVIe siècle. On applique sur le verre, déjà soufflé mais encore chaud, des filets de matière vitreuse qui sont ensuite travaillés à l'aide d'un instrument métallique doté de différentes pointes et pour cela appelé peigne ; les filaments prennent alors un aspect de vaguelettes, de plumes ou de festons ; l'objet ainsi décoré est ensuite réchauffé et soufflé sur le marbre pour obtenir une surface parfaitement lisse.
  • 13.  ↑  Page Jutta-Annette (dir.), Beyond Venice, New York, The Corning Museum of Glass, 2004, p. 21-22, fait remarquer que certains de ces instruments de musique en verre se trouvent placés, dans la collection de Ferdinand II, parmi les instruments de musique (et non parmi les verres) et qu'ils semblent donc pouvoir être joués, ou considérés comme tels.
  • 14.  ↑  Biringuccio, De la pirotecnica…, op. cit., p. 42.
  • 15.  ↑  Harrison William, Description of England, 1587, rééd. par George Edelen, New York-Ithaca, 1968, p. 128.
  • 16.  ↑  Page Jutta-Annette, Beyond…, op. cit.
  • 17.  ↑  Maitte Corine, Les chemins…, op. cit., chapitre 6.
  • 18.  ↑  Archivio di Stato di Venezia (ASV), C.X., Misti, reg. 31, 1517, f. 25v-26.
  • 19.  ↑  ASV, Consiglio dei X, comuni, reg. 3, f. 111-112 : ils précisent en effet que l'on doit excepter des peines encourues par les contrefacteurs « le maître M. Francesco Zen… lequel étant la cause et l'inventeur d'une telle œuvre ne doit pas être soumis à la requête susdite ».
  • 20.  ↑  ASV, Senato Terra, reg. 36, c. 121 t. et f. 9.
  • 21.  ↑  ASV, Senato terra, filza 63.
  • 22.  ↑  Molà Luca, "Il mercato delle innovazioni nell'Italia del Rinascimento", in Arnoux Mathieu, Monnet Pierre (dir.), Le technicien dans la cité en Europe occidentale, 1250-1650, Rome, EFR, 325, 2004, p. 215-250.
  • 23.  ↑  Epstein Stephan R., "Craft Guilds, Apprenticeship, and Technological Change in Preindustrial Europe", Journal of Economic History, vol. 58, n° 3, 1998, p. 684-713.
  • 24.  ↑  Ce contrat très intéressant est publié intégralement par Zecchin Luigi, Vetro e Vetrai di Murano, Venezia, Arsenale Editrice, vol. II, 1989, p. 226.
  • 25.  ↑  Sur les districts, voir par exemple Becattini Giacomo, Dal distretto industriale allo sviluppo locale, Turin, Bollati Boringhieri, 2000.
  • 26.  ↑  En cela sans doute comparable avec ce qui passe par exemple dans la soierie lyonnaise au XVIIIe siècle. Belfanti Carlo M., « Corporations et brevet : les deux faces du progrès technique dans une économie préindustrielle (Italie du Nord, XVIe-XVIIIe siècles) », in Hilaire-Pérez Liliane, Garçon Anne-Françoise (éd.), Les chemins de la nouveauté : innover, inventer au regard de l'histoire, Paris, éd. CTHS, 2003, p. 75, cite en effet les propos tout à fait significatifs de l'ambassadeur vénitien chargé de recruter un dessinateur de tissus capables d'apprendre les « secrets » des dessins lyonnais aux Vénitiens : « le fait de vivre à Lyon, la concurrence de nombreuses manufactures, l'exercice constant, la possibilité de voir les nouveautés des autres, le besoin d'inventer du nouveau pour pouvoir écouler : tout dans cette ville contribue à encourager et à inciter les esprits et la volonté d'une manière tout à fait singulière à un tel point que ce dessinateur, une fois installé ailleurs, n'aurait pas la même réussite… » (ASV, V Savi, Diversorum, B. 388, n° 45, 28/4/1777).
  • 27.  ↑  Milanesi Gaetano (ed.), Dell'arte del vetro per musaico tre trattatelli dei secoli XIV e XV, ora per la prima volta pubblicati, Bologna, G. Romagnoli, 1864 ; Zecchin, Vetro…, op. cit., vol. III, p. 213-226.
  • 28.  ↑  Maitte Corine, « Coopération et concurrence entre verriers migrants à l'époque moderne », in Gonzalez-Bernaldo Pilar, Martini Manuela, Pelus-Kaplan Marie-Louise (dir.), Étrangers et Sociétés. Représentations, coexistences, interactions dans la longue durée, Rennes, PUR, 2008, p. 317-335.
  • 29.  ↑  Braunstein Philippe, « Les techniques et le pouvoir à la fin du Moyen Âge : une direction de recherche », repris dans Travail et entreprise, 2003, p. 65-72.
  • 30.  ↑  Braunstein Philippe, « À l'origine des privilèges d'invention au XIVe et XVe siècles », in Les brevets, leur utilisation en histoire des techniques et de l'économie, Paris, 1985 : un des plus anciens privilèges date de 1236, accordé pour quinze ans en Angleterre par Edouard III à un aquitain du nom de Bonafusius, maître teinturier, p. 57.
  • 31.  ↑  Maitte Corine, Les chemins…, op. cit., chapitre 7, p. 211 et s.
  • 32.  ↑  Sur le problème de la noblesse verrière, cf. Maitte Corine, Les chemins…, op. cit., chapitre 6, p. 168-170. Bien sûr, certains veulent combiner les avantages des privilèges personnels et ceux des privilèges d'exclusivité : c'est ce que réussit à obtenir par exemple Jacopo Saroldi en 1597, cf. idem, p. 170-172.
  • 33.  ↑  Champollion-Figeac Aimé, Documents historiques inédits tirés des collections manuscrites de la Bibliothèque Royale et des archives ou des bibliothèques des départements, Paris, F. Didot frères, Impr. nationale, 1841-1874, t. IV, 1848, p. 196.
  • 34.  ↑  Pour Barovier, cf. Domenech Ignasi, "Façon de Venise Glass", in Page (dir.), Beyond…, op. cit., p. 111 ; pour Brunoro, cf. Archivio di Stato di Torino (AST), Materie economiche, IV, II Addizione, M. 13. ; Pour Obizzi e Giordano, AST, Materie economiche, M. 12.
  • 35.  ↑  Hennezel d'Ormois Jean Marie François comte de, Gentilshommes verriers de Haute Picardie. Charles Fontaine, Nogent le Rotrou, 1933.
  • 36.  ↑  Inutile de multiplier les exemples, mais on peut noter qu'un certain nombre d'Altarais se marient à des Colnet : Robert-Albert, fils de Giuseppe (et neveu de Giovanni de Nevers) épouse à Liège en secondes noces Claude Colnet dans la seconde moitié du XVIIe siècle, tandis que Jacques Castellano se marie, lui, début XVIIIe siècle à Dorothée de Colnet.
  • 37.  ↑  ASV, Podestà di Murano, B. 77, cité par Zecchin Paolo, "Vetrai muranesi in Fiandra e Inghilterra nel cinquecento", Rivista della stazione sperimentale del vetro, maggio-giugno 2006, vol. 36, p. 31-41, 2006, note 21, p. 39. Il possède alors une verrerie que dirige Gasparo Brunoro.
  • 38.  ↑  Velde Bruce, "Façon de Venise glass compositions", à paraître. Je remercie l'auteur de m'avoir fourni ce document.
  • 39.  ↑  Maitte Corine, Les chemins…, op. cit., chapitre 7.
  • 40.  ↑  MacLeod Christine, "Accident or Design? George Ravenscroft's Patent and the Invention of Lead-Crystal Glass", Technology and Culture, 28, n° 4, oct. 1987, p. 776-803 ; Moretti Cesare, "La realizzazione del cristallo al piombo in Inghilterra. Analisi critica della ricetta attribuita a George Ravenscroft e aspetti ancora oscuri nel processo di sviluppo del vetro 'flint'", Rivista della Stazione Sperimentale del Vetro, 1, 2004, p. 19-27 et point de vue différent in Maitte Corine, Les chemins…, op. cit., chapitre 4, p. 110.