Actes du premier colloque international de l'association Verre et Histoire, Paris-La Défense / Versailles, 13-15 octobre 2005

Christophe GERBER
Archéologue, Service archéologique du canton de Berne (Suisse)

Production de cives et de manchons dans le Jura central suisse au début du xviiie siècle. L’exemple de la verrerie de Court-Chaluet.

Conclusion

Si la production de verre semble démarrer plus tardivement dans le Jura central que dans les pays voisins, son évolution générale s’insère bien dans le contexte européen, en particulier à partir du xviie siècle avec les verres « façon de Venise ». De par sa situation géographique particulière, à la frontière de pays germaniques et francophones, le Jura développe une culture matérielle qui s’inspire des répertoires de ces deux grandes régions.

L’étude de Court-Chaluet, une des dernières verreries forestières jurassiennes, apporte un éclairage renouvelé sur la question de la production régionale de verre, mais malheureusement de manière ponctuelle et pour une fenêtre chronologique très étroite. La large gamme de produits verriers mis en évidence sur le site, en particulier parmi la gobeleterie qui s’inspire tant du répertoire français que germanique et inclut aussi des verres « façon de Venise », atteste du haut degré de qualification des verriers actifs en terre jurassienne. La production simultanée de cives et de verre au manchon constituent une surprise, mais s’explique sans doute par l’orientation de la production vers des marchés différenciés. La cive encore en vogue dans les pays de tradition germanique devait être plutôt destinée aux régions alémaniques de Bâle, Soleure et Bienne ; le carreau de verre plat, largement diffusé en région franc-comtoise, ne serait apparu que plus tard, peut-être pour satisfaire une demande nouvelle. D’ailleurs dès le milieu du xviiie siècle, les verriers de Biaufond et de Blancheroche dans le Doubs orientent leur production vers le verre au manchon en raison, sans doute, d’une demande croissante qui découle de la généralisation des fenêtres à grands carreaux. Les liens de parenté étroits qu’entretiennent certaines familles verrières actives dans différentes verreries comtoises ou alsaciennes n’est probablement pas étranger à l’introduction de ce nouveau procédé de fabrication.

À l’évidence, l’intérêt du verre jurassien a été largement sous-estimé, notamment dans ses aspects économiques, sociaux et typologiques. Les questions de production et de marché n’ont que trop rarement été abordées, celles de l’intégration et du statut social des verriers, notamment étrangers – souvent de langue et de confession différentes – dans la société locale n’ont jamais été explorées. Et les produits mêmes sortis des officines verrières jurassiennes demeurent encore largement méconnus.


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