Enquête sur la composition de verres de couleur à Notre-Dame de Paris

« Le musée des Arts et Métiers participe aux travaux de recherche sur les vitraux des baies hautes du chœur de Notre-Dame de Paris, menés par le pôle vitrail du laboratoire de recherches des monuments historiques et le centre André Chastel de Sorbonne Université.

Dans le cadre du chantier de restauration de la cathédrale, des études poussées sont actuellement menées sur les matériaux et notamment les verrières réalisées au XIXe siècle par l’atelier du peintre verrier Maréchal de Metz. Celles-ci font l’objet d’analyses quantitatives de leur composition afin de connaître l’origine des verres de couleur.

Le 7 décembre 2022, deux panneaux contenant des échantillons de verre de couleur, donnés au musée des Arts et Métiers par Georges Bontemps en 1868, ont été analysés par l’accélérateur de particules AGLAÉ (Accélérateur Grand Louvre d’Analyses Élémentaires), au centre de recherches et de restauration des musées de France. Ces mesures, réalisées sur des objets dont la provenance est bien attestée, sont en effet essentielles afin de bâtir un corpus de comparaison.

AGLAE

L’inteview en 3 questions

Anne-Laure Carré, responsable de la collection Matériaux au musée des Arts et Métiers
Vous avez assisté à la manip, racontez-nous !

Comment le choix de ces deux panneaux de verre s’est-il fait ?

Jean-François Luneau du Centre André Chastel a pensé à ces panneaux et a sollicité le musée des Arts et Métiers. En effet, la verrerie de Choisy est l’un des fournisseurs importants de verre de couleur au milieu du XIXe siècle, il s’agit donc d’une hypothèse de provenance sérieuse quant à la fourniture des ateliers Maréchal. Ces deux panneaux ont été donnés par Bontemps au musée. Il en existe également au musée de la céramique à Sèvres qui seront peut-être analysés dans un second temps. Chacun des panneaux contient cinq petits carreaux de verre d’une couleur différente, la plupart sont en verre plaqué, mais certains sont colorés dans la masse.

Dans quelle mesure l’analyse par l’accélérateur de particules AGLAÉ pourrait-elle compléter notre connaissance sur ces deux objets dont la provenance est bien connue ?

Grâce à AGLAÉ et à ses détecteurs PIXE, PIGE et RBS, on obtient une caractérisation chimique complète, ce qui nous donne la composition de chaque échantillon coloré. Nous avons déjà pu constater que certains sont en verre sodo-calcique, d’autres en verre au plomb. Les scientifiques du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) vont maintenant s’atteler au traitement des données et nous aurons des compositions précises pour chaque couleur. Ces données seront particulièrement utiles pour les futures restaurations de verrières du XIXe siècle.

Georges Bontemps (1799-1883), directeur de la verrerie de Choisy-le-Roi, est l’auteur d’un des plus célèbre manuel verrier de son temps. Pouvez-vous nous en dire plus sur son apport dans la redécouverte des techniques anciennes ?

Le Guide du verrier est un manuel pratique, il décrit les diverses fabrications : verre à vitres, glace, bouteilles, cristal, optique, peinture sur verre, vitraux. Bontemps y livre des recettes, des prix de revient et des exemples. Il s’intéresse largement à l’histoire des fabrications anciennes qu’il étudie dans les textes et à travers des objets (des fragments de vitres de Pompéi ont été donnés par ses soins au musée des Arts et Métiers). En 1839, il est primé à l’exposition des produits de l’industrie où il expose ses premières pièces en verre filigrané après avoir étudié de près les chefs-d’œuvre vénitiens. Mais c’est sans doute les recherches sur les vitraux du XIIe au XVIe siècles qui le passionnent le plus. En 1845, la verrerie de Choisy le Roi embauche un peintre verrier et ouvre un atelier ; la palette de verres colorés atteint plus de 110 nuances ! »